La géométrie et le quantique by Alain Connes

La géométrie et le quantique by Alain Connes

Auteur:Alain Connes [Connes, Alain]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: CNRS
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


La variabilité

L’idée, presque plus facile à expliquer, et plus fondamentale que la coïncidence trouvée avec Carlo Rovelli, est la suivante : le quantique a cette extraordinaire fantaisie, cet extraordinaire pouvoir imaginatif, qui fait que, chaque fois que l’on répète une expérience microscopique, on obtient une réponse que l’on ne peut ni prévoir ni reproduire. On touche là un problème central que je vais appeler « problème de la variabilité ».

Normalement, si l’on interroge quelqu’un sur ce qu’est la variabilité fondamentale, tout le monde, et pas seulement les physiciens, répond que la seule variabilité, c’est le passage du temps. On peut réduire toute variabilité au fait que le temps passe. Si l’on regarde bien, on s’aperçoit que presque toute la physique est écrite en termes de ce que l’on appelle une équation différentielle, c’est-à-dire que l’on écrit que la dérivée d’une quantité physique par rapport au temps est donnée par une certaine relation avec d’autres quantités. Toute la physique est écrite sur ce paradigme, et toute la compréhension que nous avons de la variabilité est pensée dans ces termes-là.

Faisons une petite excursion en mathématiques pour essayer de comprendre comment les mathématiciens ont cherché à formuler ce que c’est qu’une variable et comment cette formulation a été détrônée par le quantique. Quand on demande à un mathématicien ce qu’est une variable réelle, il dira ceci : c’est un ensemble et une application de cet ensemble dans les nombres réels. Cela peut paraître un peu obscur, mais c’est la réponse standard. On peut alors faire remarquer au mathématicien qu’il y a des variables qui ne prennent que des valeurs discrètes, par exemple l’âge d’une personne, qui ne sera exprimé que par un nombre entier, et d’autres qui prennent des variables continues. Les deux cas sont tout à fait différents.

Il ne peut y avoir en mathématiques coexistence d’une variable discrète et d’une variable continue. En effet, une variable discrète ne prend qu’un nombre dénombrable de valeurs (on peut les énumérer une à une) alors qu’une variable continue prend un nombre non dénombrable de valeurs de sorte que l’ensemble où elle prend sa source ne peut pas être le même que celui associé à une variable discrète. C’est un fait. La première merveille, c’est que le formalisme de la mécanique quantique que von Neumann a mis au point résout ce paradoxe de la non-coexistence du discret et du continu. Il est résolu, comme je le disais plus haut, parce que Schrödinger a trouvé que les spectres étaient des spectres d’opérateurs dans l’espace de Hilbert. Dans ce même espace de Hilbert, sur la même scène en quelque sorte, certains opérateurs auront un spectre discret, comme les entiers, et d’autres un spectre continu, c’est-à-dire qu’ils pourront prendre toutes les valeurs réelles entre zéro et l’infini. La seule nuance, c’est que les deux opérateurs ne peuvent pas commuter. Ainsi, le formalisme des opérateurs dans l’espace de Hilbert résout le paradoxe.

Ce formalisme donne le cadre de la géométrie non commutative. Et c’est grâce à lui que l’on va pouvoir essayer de comprendre l’émergence du temps.



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